Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
455
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

les mœurs atténuent cette rigueur, au point qu’il est rare qu’on y ait recours, si ce n’est lorsque le prisonnier se trouve dans un cas exceptionnel et aggravant. Si parmi les prisonniers il se trouve des transfuges, les hommes de marque sont condamnés, selon les cas, à avoir le pied ou le poignet coupé, ou à payer une rançon et quelquefois à subir auparavant la peine du fouet, ou bien encore à la détention. Quant aux transfuges de peu d’importance, on les relâche, à moins toutefois que leur désertion n’ait été accompagnée de circonstances particulières. Le chef de l’armée désigne les prisonniers qu’il veut garder ; les autres sont renvoyés dans les vingt-quatre heures : l’usage est de ne leur laisser que la culotte et le cordon de soie, signe de leur baptême. Il arrive quelquefois qu’un soldat est assez âpre pour échanger sa vieille culotte contre celle d’un prisonnier ; mais un pareil acte l’expose aux injures de ses camarades. La fortune la plus inconstante est souvent celle qui pervertît le moins. Les soldats éthiopiens sont convaincus de la versatilité des positions, et cette croyance contribue à les moraliser jusque dans l’ivresse de la victoire, et à les rendre cléments envers les vaincus. La fréquence même de leurs guerres, presque toutes intestines, en atténue les rigueurs. Un parent, un ami ou un ami de leurs amis peut leur tomber sous la main, et un acte gratuitement sanguinaire amènerait des vengeances. On voit des vainqueurs et des vaincus se reconnaître, s’embrasser, s’informer avec sollicitude de leurs récents adversaires ou s’interposer auprès d’un compagnon afin d’améliorer le sort de quelque ami. Des seigneurs et même des soldats pauvres renvoient quelquefois de nombreux prison-