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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

notables, dont le Prince et son fils jugèrent opportun de s’assurer. Ces malheureux s’assemblèrent par petites troupes aux abords du camp, selon la direction qu’ils avaient à prendre pour rentrer chez eux ; ils étaient, comme ils le disent eux-mêmes, équipés en tueurs de serpents, c’est-à-dire un bâton à la main et sans autre vêtement que leur petite culotte et leur cordon de chrétienté ; pour se garantir du soleil et des mouches, plusieurs se couvraient de feuillages. Comme d’ordinaire, beaucoup s’enrôlèrent chez nous ; d’autres restèrent chez des parents ou des amis qu’ils avaient dans notre camp, en attendant un jour plus propice pour regagner leurs quartiers ; car lorsque deux armées ennemies se rapprochent, les paysans se réunissent en armes pour garder les passages, et ils se vengent cruellement quelquefois des exactions qu’ils ont subies la veille. Les Éthiopiens sont d’ailleurs très-curieux, et les paysans les plus inoffensifs guetteront également les fuyards, souvent même les hébergeront, pour le seul plaisir d’entendre le récit de la bataille.

Dans les annales éthiopiennes, Konzoula figure parmi les batailles peu meurtrières : on évalua nos pertes à environ 200 hommes tués ; on disait que l’ennemi avait dû laisser 500 hommes sur le champ de bataille, mais on pensait que nos cavaliers avaient tué un nombre égal de fuyards.

Après souper, vers neuf ou dix heures du soir, le Prince se fit amener les deux fils de Conefo. Il les laissa debout et leur dit :

— C’est vous, mes enfants, qui vous êtes fait cette triste situation, et qui de plus m’avez réduit à en être l’instrument. N’attribuez donc pas à ma rigueur le sort que vous subissez. La politique du Ras, l’attitude passive du Dedjadj Oubié, uni d’intérêt pourtant avec