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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

chez eux. En pareil cas, les femmes se réfugient dans les villages voisins avec les enfants, les valeurs mobilières et le bétail ; les hommes, en armes, se rassemblent à l’écart et voient passer devant eux les troupes de pillards sondant la campagne pour découvrir les silos, et emportant les grains en consommation. Quelquefois les soldats mettent le feu aux maisons. Si les paysans sont en force, ils les attaquent, et la connaissance du pays leur donne parfois l’avantage ; mais ordinairement ils préfèrent se rendre au camp, où ils intentent contre les coupables une action judiciaire.

L’arrière-garde des picoreurs a pour fonction de prévenir ces combats en empêchant les incendies, mais on se figure aisément que sa surveillance est inefficace. En Éthiopie, comme dans l’antiquité et jusqu’à une époque récente même en Europe, il est admis que la guerre doit nourrir la guerre. Comme Birro le fit en cette occasion, des Dedjazmatchs pillent quelquefois leurs propres sujets, comme punition ou par suite de quelque nécessité de guerre ; seulement, pour éviter l’effusion du sang, ils préviennent les habitants, et, dans le cas de blessure, de mort d’homme ou d’incendie, ils sévissent contre les coupables. La fécondité du sol est telle que lorsque le pillage s’effectue sans combat ou sans incendie, et que la nécessité du ravitaillement leur paraît évidente, les cultivateurs sont les premiers à excuser la mesure qui les prive de leurs réserves alimentaires. Deux ou trois mois plus tard, ils se présenteront devant le Polémarque pour lui demander une exemption temporaire d’impôts, moyennant laquelle ils font renaître promptement l’abondance.

Comme tous les cultivateurs, les paysans éthio-