Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

trafiquants et exiger des droits de passage ; mais en me reconnaissant, ils se rappelèrent la longue résistance que, mon frère et moi, nous avions opposée dans le Koualla de Maïe-Ouraïe aux exactions de Blata-Guebraïe, et ils se désistèrent de leurs prétentions. J’eus ainsi la satisfaction de recueillir les fruits de notre conduite et de rentrer dans le droit commun.

Au lieu de suivre la route des caravanes et de passer, comme à mon entrée dans le pays, par Halaïe, je passai par Digsa, village situé à quelques kilomètres plus au Nord. Ces deux villages appartiennent à la puissante tribu qui forme de ce côté la frontière des États d’Oubié, et qui se dit issue de deux frères nommés Akéli et Ogouzaïe. La population de Halaïe descend d’Ogouzaïe, et celle de Digsa d’Akéli ; mais nonobstant ce lien de parenté, une grande inimitié séparait ces deux villages : l’un et l’autre soutenaient la prétention de faire passer par leur territoire les caravanes et les voyageurs, et de prélever sur eux les droits d’usage. Parfois ils se disputaient ce monopole les armes à la main, et ils épuisaient leurs ressources pécuniaires pour se le faire concéder par le Dedjazmatch ; depuis quelques années, Halaïe l’exploitait, mais avec une rapacité dont les trafiquants se plaignaient avec raison. Je préférai donc passer par Digsa, malgré la fâcheuse réputation de son chef, Za-Guiorguis, qui portait le titre de Bahar-Negach (roi de la mer.)

Ce chef me reçut bien ; il fit abattre un bœuf pour notre repas et m’offrit de passer quelques jours avec lui ; mais j’étais pressé de gagner Moussawa. Les tribus des Sahos qui occupent les bas pays entre le premier plateau éthiopien et la mer Rouge, remplissent de droit les fonctions de guides entre la frontière chrétienne et Moussawa ; ce droit donne lieu à des tracasseries