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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

désunion était parmi eux, et les populations achevaient de se décourager aux bruits avant-coureurs des ennemis et de leurs engins de guerre dont on exagérait les effets redoutables. À Gondar et dans les provinces, on ne s’entretenait que de ces choses, ce qui contribua à donner du retentissement à notre arrivée dans la capitale. L’Atsé, l’Itchagué, les notables, apprenant que mon frère retournait en France, décidèrent, en assemblée, d’en profiter pour faire un appel aux puissances chrétiennes de l’Europe. En conséquence, ils lui donnèrent deux lettres écrites au nom de la nation, l’une pour le roi de France, l’autre pour la reine d’Angleterre, et le supplièrent de ne rien négliger pour accomplir promptement sa mission, de laquelle dépendait, disaient-ils, le salut des chrétiens d’Éthiopie.

Avant de nous séparer, nous convînmes, mon frère et moi, de nous rejoindre, à un an de là, dans l’île de Moussawa ; et il partit pour le Tigraïe avec une petite caravane, la dernière de la saison.

Dans mon inexpérience, douze mois me paraissaient plus que suffisants pour aller planter un guidon aux couleurs françaises sur un des pics des montagnes de la Lune, ou du moins pour atteindre aux régions où l’on place ordinairement ces montagnes ; mais je comptais sans les obstacles que le voyageur rencontre dans cette partie de l’Afrique.

Il n’a pas, il est vrai, à affronter ces vastes déserts qui, dans d’autres régions de ce continent, forment des barrières si pénibles à franchir ; les pays qu’il traverse sont presque partout fertiles et peuplés, mais la diversité des races, des religions, des langues, des mœurs, la multiplicité des rois, des princes et des petits despotes, les intérêts, les jalousies, les haines