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L’ART DE SE

que sorte pour luy, puis qu’il luy est impossible d’en faire plus aucun usage. L’homme n’est point aneanti en luy même : mais il l’est dans la nature qu’il admiroit, & qui perit pour luy ; dans la societé où il avoit ses attachemens, & qui cesse d’être à son égard ; dans son corps l’organe de ses plaisirs, qui se perd dans la poussiere du tombeau. Voyons s’il y a quelque chose de réel dans ces trois sortes de destructions.

Premierement on ne peut point dire, que les choses exterieures s’aneantissent non seulement en elles mêmes : mais encore à l’égard de leur usage. Car que savons nous, si la même institution ne subsiste point, encore qua la maniere de cette institution ne subsiste plus ? Il est vray qu’il n’y a pas beaucoup d’apparence, que nous ayons aprés nôtre mort des sensations semblables à celles que nous avons eües pendant nôtre vie. Car il n’est plus necessaire que ces sensations soient propotionées à l’état & à la conservation d’un corps, qui ne subsiste plus pour nous. Le dessein que l’Auteur de la nature a eu de nous