Page:About - Alsace, 1875.djvu/36

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Ce souvenir en appelle d’autres qui font groupe et se prêtent un mutuel appui. N’ai-je pas vu, de mes yeux vu, quatre uhlans s’emparer de la ville, quoiqu’elle eût organisé et armé à grand orchestre une compagnie de francs-tireurs ? Les visages qui se pressaient dans la rue autour de ces quatre hommes exprimaient plus d’étonnement et de curiosité que de douleur ou de colère. Longtemps après ce triste jour, au plus fort de la guerre, j’ai entendu conter je ne sais quelles histoires de trahison. Un bourgeois de Saverne aurait dénoncé des soldats convalescents qui s’apprêtaient à quitter l’ambulance pour rallier le drapeau national. Un autre aurait aidé nos ennemis à rétablir la voie ferrée en leur révélant la carrière où l’on avait caché les rails. De tels crimes sont à peine croyables ; on les a peut-être inventés pour refroidir les cœurs français qui restent fidèles à l’Alsace.

Mais ce qui n’est nullement inventé, c’est la défection scandaleuse de M. Kern, procureur impérial à Saverne. Je l’ai connu, celui-là, je lui ai parlé ; je vois d’ici son petit corps sec, sa figure de bois, son regard froid, sa physionomie piétiste. Je l’entends chanter la romance sentimentale au piano de la sous-préfecture avec un accent qui rappelle le bon gendarme de Nadaud. Est-ce qu’il chante encore aujourd’hui ? Il n’y a pas à douter d’un fait