Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/44

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peinture aux joues et chignons du même faiseur.

Mais la vertu ! la vertu ! n’est-ce pas tout ?

Non, ma foi, si vous entendez par vertu un petit mérite local, le seul que les Turcs apprécient dans la femme. J’admets par bonhomie que cette jeune fille ne trahira jamais certain devoir du mariage. Est-ce tout ? Son mari sera-t-il heureux à ce prix ? Une femme peut vivre sans passion (d’autant plus que la passion n’est plus guère à la mode), et cependant afficher, ruiner, tuer à petit feu le pauvre diable qui lui a donné son nom.

Certes, il est ennuyeux de se voir montré au doigt dans les rues ; mais si le ridicule atteint injustement un pauvre homme trahi en plein, il ne ménage guère le mari qui assiste les bras croisés à la parade tapageuse et ruineuse de sa femme. Quel est l’affront le plus sensible ? Un adultère effectif, mais caché soigneusement, ou un scandale quotidien qui fait croire à cent adultères ?

Le plus triste de tout ceci n’est pas l’énormité des dépenses, quoique plus d’un mari, voire plus d’un amant, soit dévoré jusqu’à l’honneur par les petites dents d’une jolie femme. Quand les fils, qui ne font rien, auront mangé ou fait manger l’épargne de leurs pères, d’autres bras se mettront au travail, il se fera d’autres fortunes, et le progrès, un peu attardé, rattrapera le temps perdu.