Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/153

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soin d’offrir à mon réveil le portrait de celle que j’aimais, c’est sans doute parce qu’il a résolu de me rendre l’un après l’autre tous les biens que j’ai perdus. Dans quelques jours, mes épaulettes ; demain, le drapeau du 23e de ligne ; aujourd’hui, cet adorable visage qui a fait battre mon cœur pour la première fois ! Vivante image du passé le plus riant et le plus cher, je tombe à tes genoux ; sois mon épouse ! ».

Ce diable d’homme unit le geste à la parole, et les témoins de cette scène imprévue ouvrirent de grands yeux. Mais la tante de Clémentine, l’austère Mlle Sambucco, jugea qu’il était temps de montrer son autorité. Elle allongea vers Fougas ses grandes mains sèches, le redressa énergiquement, et lui dit de sa voix la plus aigre :

« Assez, monsieur ; il est temps de mettre un terme à cette farce scandaleuse. Ma nièce n’est pas pour vous ; je l’ai promise et donnée. Sachez qu’après-demain, 19 du mois, à dix heures du matin, elle épousera M. Léon Renault, votre bienfaiteur !

— Et moi je m’y oppose ; entendez-vous, la tante ? Et, si elle fait mine d’épouser ce garçon…

— Que ferez-vous ?

— Je la maudirai ! »

Léon ne put s’empêcher de rire. La malédiction