Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/154

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de ce colonel de vingt-quatre ans lui semblait plus comique que terrible. Mais Clémentine pâlit, fondit en larmes et tomba à son tour aux genoux de Fougas.

« Monsieur, s’écria-t-elle en lui baisant les mains, n’accablez pas une pauvre fille qui vous vénère, qui vous aime, qui vous sacrifiera son bonheur si vous l’exigez ! Par toutes les marques de tendresse que je vous ai prodiguées depuis un mois, par les pleurs que j’ai répandus sur votre cercueil, par le zèle respectueux que j’ai mis à presser votre résurrection, je vous conjure de nous pardonner nos offenses. Je n’épouserai pas Léon si vous me le défendez ; je ferai ce qui vous plaira ; je vous obéirai en toutes choses ; mais, pour Dieu ! ne me donnez pas votre malédiction !

— Embrasse-moi, dit Fougas. Tu cèdes, je pardonne. »

Clémentine se releva toute rayonnante de joie et lui tendit son beau front. La stupéfaction des assistants, et surtout des intéressés, est plus facile à deviner qu’à dépeindre. Une ancienne momie dictant des lois, rompant des mariages et imposant ses volontés dans la maison ! La jolie petite Clémentine, si raisonnable, si obéissante, si heureuse d’épouser Léon Renault, sacrifiant tout à coup ses affections, son bonheur et presque son devoir au caprice d’un intrus ! M. Nibor avoua que c’était à perdre la tête.