Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/192

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« Non ! s’écria-t-il en étendant les bras vers la scène. Jamais ! jurons-le tous ensemble sur l’autel sacré de la patrie ! Périsse la perfide Albion ! Vive l’Empereur ! »

Le parterre et l’orchestre se levèrent en même temps, moins pour s’associer au serment de Fougas que pour lui imposer silence. Dans l’entr’acte suivant, un commissaire de police lui dit à l’oreille que lorsqu’on avait dîné de la sorte on allait se coucher tranquillement, au lieu de troubler la représentation de l’Opéra.

Il répondit qu’il avait dîné comme à son ordinaire, et que cette explosion d’un sentiment patriotique ne partait point de l’estomac.

« Mais, dit-il, puisque dans ce palais de l’opulence désœuvrée la haine de l’ennemi est flétrie comme un crime, je vais respirer un air plus libre et saluer le temple de la Gloire avant de me mettre au lit.

— Vous ferez aussi bien, » dit le commissaire.

Il s’éloigna, plus fier et plus cambré que jamais, gagna la ligne des boulevards et la parcourut à grandes enjambées jusqu’au temple corinthien qui la termine. Chemin faisant, il admira beaucoup l’éclairage de la ville. M. Martout lui avait expliqué la fabrication du gaz, il n’y avait rien compris, mais cette flamme rouge et vivante était pour ses yeux un véritable régal.