Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/195

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costume d’un autre temps. Il était étrange, voilà tout. Pour se donner un peu d’aplomb, il entra dans un restaurant, mangea quatre côtelettes, un pain de deux livres et un morceau de fromage en buvant deux bouteilles de vin. Le café et le pousse-café le conduisirent jusqu’à deux heures. C’était le moment qu’il s’était fixé à lui-même.

Il inclina légèrement son chapeau sur l’oreille, boutonna ses gants de chamois, toussa énergiquement deux ou trois fois devant la sentinelle de la rue de Rivoli, et enfila bravement le guichet de l’Échelle.

« Monsieur ! cria le portier, qui demandez-vous ?

— L’Empereur !

— Avez-vous une lettre d’audience ?

— Le colonel Fougas n’en a pas besoin. Va demander des renseignements à celui qui plane au-dessus de la place Vendôme : il te dira que le nom de Fougas a toujours été synonyme de bravoure et de fidélité.

— Vous avez connu l’Empereur premier ?

— Oui, mon drôle, et je lui ai parlé comme je te parle.

— Vraiment ? Mais quel âge avez-vous donc ?

— Soixante-dix ans à l’horloge du temps, vingt-quatre ans sur les tablettes de l’histoire ! »

Le portier leva les yeux au ciel en murmurant :

« Encore un ! C’est le quatrième de la semaine ! »

Il fit un signe à un petit monsieur vêtu de noir,