Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/98

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— Il n’y a pas de désordre heureux. Considérez, d’ailleurs, que le défunt n’est pas le premier venu. S’il s’agissait d’un vagabond sans feu ni lieu, on pourrait user de tolérance. Mais c’est un militaire, un officier supérieur et décoré ; un homme qui a occupé un rang élevé dans l’armée. L’armée, monsieur ! Il ne faut pas toucher à l’armée !

— Eh ! monsieur, je touche à l’armée comme le chirurgien qui panse ses plaies ! Il s’agit de lui rendre un colonel, à l’armée ! Et c’est vous qui, par esprit de routine, voulez lui faire tort d’un colonel !

— Je vous en supplie, monsieur, ne vous animez pas tant et ne parlez pas si haut : on pourrait nous entendre. Croyez que je serai de moitié avec vous dans tout ce que vous voudrez faire pour cette belle et glorieuse armée de mon pays. Mais avez-vous songé à la question religieuse ?

— Quelle question religieuse ?

— À vous dire le vrai, monsieur (mais ceci tout à fait entre nous), le reste est pur accessoire et nous touchons au point délicat. On est venu me trouver, on m’a fait des observations très-judicieuses. La seule annonce de votre projet a jeté le trouble dans un certain nombre de consciences. On craint que le succès d’une entreprise de ce genre ne porte un coup à la foi, ne scandalise, en un mot, les esprits tranquilles. Car enfin, si M. Fougas