Page:About - Maître Pierre, 1859.djvu/7

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courir moins de piétons et de voitures que sur le pont de Londres. Dès le premier pas, on pressent une ville grande et grandiose, mais qui n’est pas dans son plein. On pense à Versailles.

Bordeaux a six kilomètres de long et 150 000 habitants : beaucoup de place pour pou de monde. Ce n’est pas que tout le monde y respire à l’aise. Si l’herbe pousse dans les rues et sur les places de la ville neuve, on étouffe un peu dans les vieux quartiers. Les juifs, les petits marchands, les brocanteurs, les pileurs de drogues s’agitent pêle-mêle dans une ruche malpropre et malsaine ; leurs taudis s’alignent tant bien que mal le long des rues étroites et dépavées. On y voit encore bon nombre de ces maisons ventrues, bossues et vermoulues qui font les délices de l’archéologie romantique, et il suffit d’aller à Bordeaux pour se faire une idée du vieux Paris. Ces jours passés, un homme cheminait paisiblement, la casquette à la main, dans une de ces ruelles ; la corniche d’une maison se détacha en bloc et lui tomba sur la tête. Les témoins de l’accident ne firent qu’un cri d’effroi. Quant à la victime, elle secoua ses oreilles comme un chien mouillé, et poursuivit sa route. L’horrible masse qui l’avait foudroyée ne pesait pas beaucoup plus qu’une poignée de poussière. Grâce au travail des ans, ce n’était plus du bois, mais de l’amadou.

Dans la ville neuve, tout est vaste, rectiligne et