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pensants, pour la manifestation de leur identité essentielle, cette nature sociale de l’aperception est la raison, pour laquelle nous pouvons considérer tout l’intellect humain comme étant de nature sociale, et l’individu humain isolé des influences sociales, essentiellement individuel, comme une abstraction, à laquelle ne correspond aucune réalité, conformément aux opinions de Lazarus et d’autres sociologues contemporains, que « l’âme de l’individu est l’œuvre de la société ». Elle apparaît en effet telle, lorsque nous ne considérons que son côté formel, intellectuel, cristallisé dans les concepts, renfermé dans la langue. Là, dans tout le domaine de l’aperception, tout est social, parce que tout ce qui est déterminé aperceptivement, est le point d’une objectivation sociale possible, le point par lequel le milieu humain agit sur l’individu, transmettant sur lui les acquisitions culturelles des générations. Ce sont, dans le sens strict du terme, les points nodaux pour les mondes des consciences individuelles, où ces mondes, si hermétiquement fermés en apparence les uns pour les autres, se fusionnent en un monde objectif, monde des phénomènes sociaux, grâce à l’essentielle identité des sujets pensants. Chaque notion ou concept, chaque produit du travail, laisse la porte toute grande ouverte pour la coopération entre l’individu et son milieu humain. Dès les premiers jours de la vie nous sommes entourés par une atmosphère épaisse de pensée humaine, accumulée symboliquement dans la langue et les objets du travail, atmosphère qui forme et développe tout le côté raisonnant de notre âme, et profite de chaque mouvement de notre être pensant, pour lui imposer son contenu et ses formes. Ces points nodaux — les conceptions et les pensées se produisant aperceptivement — ce ne sont cependant pas nos âmes individuelles. C’est, pour nous servir d’une expression courante des sociologues, — « l’âme sociale » de notre conscience. L’individualité se cache derrière eux, dans les profondeurs humaines, s’oppose à eux comme données originelles de l’aperception, conçues dans l’inconscient, comme intuition vierge, anonyme, que la parole ne peut atteindre, — masse informe du sentiment, qui est continuellement blottie sur le seuil de notre pensée, et que l’action aperceptive, l’appareil de la pensée, transforme seulement en quelque chose de manifeste et d’explicite, en monde organisé de nos conceptions. L’individualité, c’est l’âme pré-pensive, la nébuleuse intacte par la pensée d’intuition sensitive, qui s’enroule, pour ainsi dire, autour du sujet pensant, par l’effet de son contact avec l’« inconscient » de la nature, et qui, portant dans