Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/269

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laborieusement préparées, dans un autre temps, par des années de pacifiques et pourtant ardentes discussions. Qui voudra en repasser l’histoire dans ces recueils où elle s’est enregistrée jour par jour, où s’en conserve le dépôt, y rencontrera partout votre nom et vos discours, votre zélée intervention, la trace de vos heureux efforts pour porter l’esprit de la loi dans l’esprit des affaires.

Un temps devait venir, temps d’ébranlement plus que politique, où il vous faudrait aider à la victoire de citoyens généreux faisant prévaloir, parmi d’orageux débats, sur des systèmes décevants d’amélioration sociale, les principes conservateurs des sociétés. C’est peut-être l’œuvre la plus noble et la plus difficile de l’éloquence, que d’arrêter, à certains moments, l’esprit public, dans son essor irréfléchi vers des avantages imaginaires, de séduisantes mais hasardeuses nouveautés ; de le ramener, malgré lui, par le despotisme impatiemment souffert de la raison, à la considération plus froide et plus triste du réel et du possible. C’est alors que l’orateur, par le sacrifice de la popularité présente, se montre véritablement populaire. Vous l’avez été, Monsieur, ou plutôt vous avez mérité de le devenir dans le souvenir reconnaissant du pays, quand, avec d’autres éminents orateurs que je ne veux point séparer de cette louange ; ce serait faire tort à l’Académie elle-même représentée parmi eux par quelques-uns de ses plus illustres membres ; quand, dis-je, dans cette ligue contre les illusions d’un patriotisme abusé, vous avez si efficacement combattu l’admission d’un droit trompeur et funeste, prêt à passer des livres d’aventureux publicistes, et du drapeau sanglant des factions, dans le texte de nos lois. Ce n’était pas le droit de travailler librement, conquête