Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légitime et bienfaisante de nos pères, élément vital de notre société nouvelle ; c’était ce qu’on appelait d’un terme inconnu, équivoque, à la portée indéfinie, le droit au travail, le droit d’exiger de l’État le travail dont on se trouverait manquer. Quelles conséquences n’entraînait pas la consécration d’un tel droit pour la moralité des travailleurs dispensés désormais d’activité et de prévoyance ; pour la bienfaisance, la charité des particuliers relevés administrativement de leur mission secourable ; pour la fortune publique, la propriété de tous, menacée d’exigences impérieuses, sans limites et sans compensation ; pour la liberté de l’industrie que remplacerait son organisation, comme on disait, la distribution par un pouvoir suprême des tâches et des salaires ; pour la société, enfin, jetée violemment hors de ses voies séculaires, hors des voies de son progrès véritable ! Et ces redoutables conséquences, elles étaient avouées, avec une franchise peu rassurante, par les apôtres d’une rénovation radicale. En vain les méconnaissaient, les atténuaient, des hommes noblement mais trop exclusivement préoccupés de la condition des classes souffrantes : elles n’échappaient point à la clairvoyance inquiète de ceux que préoccupait aussi l’avenir compromis du corps social. Vous êtes, Monsieur, du nombre des hommes d’État qui les ont aperçues et fait apparaître avec le plus d’évidence ; qui ont le plus contribué à en inspirer la crainte salutaire, à réunir dans cette commune appréhension une assemblée partagée. Si, après de longues délibérations, où flottaient entre les opinions extrêmes ses convictions incertaines, elle a été amenée à remplacer le droit dont on voulait armer la misère contre la société, par le devoir imposé à la société d’une sollicitude paternelle pour la