Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/87

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dans ces admirables mouvements d’abnégation et d’héroïsme où elles nous dépassent, il est le premier à le reconnaître.

Mais il y a pis encore de sa part, et les femmes du monde sont trop fines pour ne l’avoir pas senti ; c’est qu’il connaît à fond leurs manèges, petits tours, futilités, mièvreries, comédies et singeries, et qu’il les dévoile — et les immortalise… Voici, par exemple, la douairière de Vergnes, venue avec sa petite-fille Sibylle faire visite à une ancienne amie et apprenant du concierge que cette dernière est morte depuis six semaines : « Ah ! mon ami, s’écrie-t-elle, qu’est-ce que vous me dites !… C’est vraiment inouï, ces choses-là !… Voilà la vie, ma chère enfant ! Eh bien, mon pauvre Jean, chez le pâtissier qui fait le coin de la rue Castiglione, vous savez ?… »

Réellement il faut tout admirer, dans ce court passage, qui est une merveille de niaiserie féminine et mondaine, l’exclamation du début, la petite réflexion philosophique à l’usage de Sibylle sur la fragilité de la vie, et, pour comble, ce : « mon pauvre Jean », ce ton, endeuillé du deuil de l’amie, que prend la douairière pour prier son cocher de la conduire chez le pâtissier de son choix. — Et l’œuvre de Feuillet en est remplie, de ces coups d’épingle, parmi lesquels j’ai choisi les moins sanglants…

Je crois qu’une des principales raisons pour lesquelles Octave Feuillet s’est vu pardonner tout cela par les femmes, c’est que, malgré tout, il les a faites irrésistiblement charmantes et que, dans ses livres, leur grâce demeure toujours souveraine.

Et enfin, il y a cette raison encore, c’est que les femmes