Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/112

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– Eh, que m’importe ! qu’est-ce que c’est que votre sœur ?

– Madame ! s’écria Belle-Rose, je vous ai livré ma vie, mais je ne vous ai pas livré l’honneur des miens ! Faites-moi tuer, si bon vous semble, mais ne m’insultez pas.

Belle-Rose était debout : une émotion extraordinaire animait son visage ; sur son front pâle filtraient quelques gouttes de sang ; l’éclat de ses yeux, l’autorité de son geste, l’expression hardie de sa voix, imposèrent à l’inconnue. Elle qui semblait avoir l’habitude du commandement, hésita, les yeux attachés sur cette jeune tête pleine de force et de résolution. Elle se sentit remuée jusqu’au fond du cœur, et s’étonna de ne plus trouver ni mouvement ni parole pour répondre au téméraire qui la dominait.

En la voyant silencieuse, Belle-Rose oublia son indignation : un doux sourire passa sur ses lèvres décolorées, la flamme de ses yeux se voila, et s’inclinant avec une grâce toute pleine de simplicité :

– Pardon, madame, reprit-il, je défendais ma sœur contre votre colère, mais j’abandonne le frère à votre vengeance.

Les yeux de l’inconnue s’emplirent de clartés ondoyantes ; tout son être frémit, et, penchée au bord de son fauteuil, d’une voix douce elle murmura :

– Jeune et brave et beau tout à la fois !

Puis elle reprit en souriant :

– Si vous vous livrez, moi je vous sauve. Vous avez trop raison pour que M. de Villebrais n’ait pas un peu tort.

Il serait fort difficile d’exprimer le motif de la joie profonde qui s’épandit dans le cœur de Belle-Rose. Ce n’était certainement pas l’espérance d’échapper à une condamnation inévitable : il était résolu à l’aller chercher lui-même. N’était-elle pas plutôt occasionnée par l’intérêt soudain que l’inconnue semblait prendre à lui ? Belle-Rose aurait pu seul expliquer la nature de ses sensations,