Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/125

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pieds, vous confier mon amour insensé, j’eusse donné ma vie ! La crainte de vous offenser m’enchaînait ! Et chaque jour cependant je vous aimais davantage !

Mme de Châteaufort, à demi renversée sur le sofa, aspirait chacune de ces paroles avec ivresse ; son front rougissait, et ses yeux se remplissaient de larmes divines.

– Que voulez-vous donc que je devienne à présent, madame, et dites-moi s’il ne faut pas que je parte ? reprit Belle-Rose. Que suis-je pour vous ? Un pauvre soldat que vous avez ramassé sur la route, un fugitif, un déserteur à qui votre pitié a ouvert un asile. Et ce soldat vous aime, vous qui êtes belle, riche, puissante, honorée ; vous une duchesse de la cour du roi ! J’ai tout oublié, madame, ce que j’étais et ce que vous êtes, et j’ose vous le dire ! Pour me faire quitte envers vous, Dieu a permis que je pusse encore une fois vous sauver. Maintenant, laissez-moi partir !

Mme de Châteaufort se leva effarée et tout en pleurs ; ses yeux rayonnaient comme deux diamants.

– Partir ! s’écria-t-elle ; mais je vous aime !


Belle-Rose ne partit pas, le premier anneau de la forte et brûlante chaîne de la volupté était rivé à son cœur. Il marchait ébloui dans un sentier fleuri tout semé de ces enchantements qui naissent sous les pas de la beauté, de la jeunesse et de l’amour. Sur ces entrefaites, une lettre lui parvint, écrite par Cornélius Hoghart ; elle lui mandait que M. de Villebrais, remis, contre toute attente, des suites de sa blessure, activait les poursuites dont lui Belle-Rose était l’objet ; que M. d’Assonville, après avoir reçu un coup de feu dans un engagement avec des maraudeurs