Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/140

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– Mlle de La Noue ! répéta Belle-Rose.

– Je l’ai nommée ? s’écria M. d’Assonville… Voilà bien des années que ce nom terrible n’est pas sorti de mes lèvres… Il est enfoui là comme dans un tombeau, ajouta-t-il en pressant sa poitrine de ses deux mains ; oublie-le… Elle s’était mariée, comprends-tu bien, et cependant elle était mère !

La sueur perlait sur le front de M. d’Assonville, et les mots venaient à sa bouche comme un râle. Belle-Rose l’écoutait, ne sachant si le délire égarait sa raison.

– Mère ! entends-tu ? elle était mère… Oh ! mon enfant ! mon Dieu, mon enfant !

La voix de M. d’Assonville s’éteignit dans les sanglots. Des larmes jaillirent des paupières de cet homme que Belle-Rose n’avait jamais vu pleurer. Une pitié profonde étreignit le cœur du soldat.

– L’infâme ! dit-il.

– Un jour le pauvre enfant me fut ravi, reprit le capitaine d’une voix brisée. Ses lèvres bégayaient à peine, et jamais, sans doute, il n’a su mon nom !

– Mais elle ? dit Belle-Rose.

– Elle ? Oh ! elle est riche, puissante, honorée ! c’est une dame si fière et si haute, que les plus grands seigneurs s’inclinent à son nom.

– Oh ! je vous vengerai ! s’écria Belle-Rose.

– Mais je l’aime, et c’est mon enfant que je veux ! lui répondit M. d’Assonville.

Le capitaine était effrayant à voir. Son visage était blanc comme un suaire, et de ses yeux enflammés tombaient de grosses larmes ; le désespoir, l’amour, la souffrance, donnaient à sa physionomie déjà marquée du sceau de la mort une déchirante et sublime expression. En ce moment, le bruit d’une voiture qui roulait dans la cour troubla le silence profond. La voiture s’arrêta ; Belle-Rose vit à travers les persiennes briller les torches des piqueurs ; le frôlement d’une robe de soie vint jusqu’à son oreille, la porte du pavillon s’ouvrit, et Mme de