Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/218

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Tout en parlant, je me sentais défaillir, mais mes yeux ne quittaient pas le cavalier.

– Ainsi, vous n’avez pas peur ? reprit-il.

– Peur !… Je suis fille de M. de La Noue, qui est bon gentilhomme.

– Bien ! c’est un des nôtres ! fit le cavalier, et il s’enfonça dans le bois.

Quand la troupe eut disparu, je poussai la porte et retournai vers l’officier, que je trouvai sur l’herbe. Il s’occupait à étancher le sang qui sortait de ses blessures.

– Vous n’avez plus rien à craindre, lui dis-je. Si vous pouvez encore marcher, appuyez-vous sur moi, et je vous aiderai à gagner un pavillon qui est ici tout près.

L’officier se leva, et, après bien des efforts, nous parvînmes à ce pavillon, qui était alors inhabité.

– M. d’Assonville m’a dit que vous l’aviez sauvé, interrompit Belle-Rose.

– Et il vous a dit aussi que je l’avais aimé ?

Belle-Rose inclina la tête.

– Ses blessures étaient nombreuses, mais peu graves, reprit Mme de Châteaufort. Avec le secours de ma nourrice et de son mari, qui m’étaient dévoués, je pus cacher et protéger M. d’Assonville. Mon père était frondeur, et je n’osais lui parler de cette aventure, n’ayant pas alors une juste idée de cette guerre. Le mystère de nos entrevues plaisait d’ailleurs à ma jeune imagination, et il m’était doux de penser que je jouais auprès d’un bel officier malheureux le rôle d’une fée secourable. Ma mère, qui était d’un caractère doux et timide, et qui aurait tout révélé à M. de La Noue, dont elle avait grand’peur, ne sut rien non plus de toute cette affaire.

M. d’Assonville guérit. Il était jeune, spirituel et beau ; il m’aima et je l’aimai. Il était encore languissant et faible, que déjà je lui appartenais. Lequel de nous était le plus coupable, de celle qui, jeune encore et sans expérience aucune, s’abandonnait à l’amour d’un malheureux qu’elle avait sauvé, ou de celui qui, de la jeune