Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/23

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un mouchoir roulé autour du cou et en sarrau de toile grise, était debout au beau milieu du sentier.

– Je n’ai pas besoin de vous dire, ajouta-t-il, que votre consentement me rendra parfaitement heureux, et que je n’aurai plus d’autre désir que de reconnaître toutes vos bontés par ma conduite et mon dévouement.

Tout à coup M. de Malzonvilliers partit d’un grand éclat de rire. L’étrangeté de la proposition et le sang-froid avec lequel elle était faite l’avaient d’abord étourdi ; mais au nouveau discours de Jacques, il ne put s’empêcher de rire au nez du pauvre garçon. Tout le sang de Jacques lui monta au visage. Malgré les illusions dont se berce la jeunesse, son bon sens natif lui disait tout bas que sa demande ne serait point accueillie, mais sa candide honnêteté ne lui permettait pas de croire qu’elle pût donner matière à plaisanter.

– Ma proposition vous a mis en gaieté, monsieur, reprit-il avec une émotion mal contenue. Je ne m’attendais pas, je l’avoue, à l’honneur de vous causer tant de joie.

– Eh ! mon ami, je ne m’attendais pas non plus à une telle aventure ! Vit-on jamais chose pareille ? C’est plus amusant qu’une comédie de M. Corneille, parole d’honneur !

Jacques déchira les bords de son chapeau avec ses doigts, mais il se tut. M. de Malzonvilliers riait toujours. Enfin, n’y tenant plus, il s’assit sur un quartier de pierre au revers du sentier.

– Vous aurez tout le loisir de rire après, reprit Jacques, mais c’est à présent le moment de me répondre ; vous ne sauriez deviner, monsieur, ce qui se passe dans mon cœur depuis que je sais que j’aime Mlle Suzanne. J’attends.

– Ah çà ! mon garçon, es-tu fou ? répondit le traitant en s’essuyant les yeux.

– Un fou ne vient pas honnêtement demander la main d’une jeune personne à son père.