Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/239

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Mme de Châteaufort détourna la tête pour cacher une larme qui tremblait au bord de sa paupière, poussa sa jument et disparut dans les plis du sentier. Quelques heures après la rencontre du vallon, le funèbre cortège entrait au camp de Charleroi. M. de Nancrais, prévenu par Grippard, accourut auprès du fauconnier, qui avait aimé et protégé son enfance. Dans un coin de la tente, Claudine et Pierre sanglotaient ; Belle-Rose était désespéré mais ferme ; Cornélius allait de Claudine à Belle-Rose, morne et silencieux ; Guillaume avait la sérénité d’un vieux soldat qui avait toujours vécu comme un chrétien. Il mourait comme d’autres s’endorment. Guillaume Grinedal reconnut M. de Nancrais aussitôt qu’il entra et lui serra la main. Il ne pouvait déjà plus parler, mais son regard loyal avait encore l’éclat de sa verte vieillesse. Tandis qu’il retenait M. de Nancrais, il fit signe à Belle-Rose d’approcher ; ses yeux se tournèrent alors vers le fils du comte d’Assonville avec une expression inquiète et suppliante.

– Je suis son frère, dit M. de Nancrais que cette prière muette toucha jusqu’au fond de l’âme.

Guillaume porta la main de M. de Nancrais à ses lèvres avec tant d’effusion, que l’impassible soldat détourna la tête pour ne pas laisser voir son trouble. Claudine s’était agenouillée au pied du lit ; le vieux Guillaume appela Cornélius du regard, et le forçant doucement à s’incliner près d’elle, mit leurs deux jeunes têtes sous ses mains étendues. Le silence était si profond, qu’on n’entendait pas d’autre bruit que la respiration haletante de Pierre, qui mordait son mouchoir pour étouffer ses sanglots. La Déroute, dont Belle-Rose n’avait pas voulu se séparer, étendu sur un matelas dans un coin, tambourinait la marche des canonniers sur ses genoux et pleurait sans savoir ce qu’il faisait.

– Et dire que c’est ce bon vieux qui a reçu le coup tandis que j’étais là ! murmurait-il à voix basse. Faut-il que je sois maladroit !