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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/244

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cœur bien plus puissante que la mienne !… N’ai-je point vu, il y a trois jours, votre main ramasser une fleur qu’elle avait laissé tomber, et ne vous ai-je pas vu la porter à vos lèvres ? Oh ! vous l’aimez, cette femme !… Son nom, vous l’avez mille fois murmuré !… elle est jeune… elle est belle… elle est pure !… Un instant, j’ai cru qu’à force d’amour je pourrais lutter contre son souvenir : c’était une erreur dont un flot de sang m’a tirée… Entre vous et moi il y a trop de malheurs, il y a votre père… il y a Gaston !

Belle-Rose baissa la tête. Chaque parole de Geneviève entrait dans son cœur comme une flèche.

– Vous vous taisez, Jacques, reprit-elle, et je ne me plains pas : vous m’avez pardonné.

Comme ce dernier mot tombait de ses lèvres, un cri terrible fendit l’air et vint retentir à leurs oreilles. Tous deux tressaillirent ; mais ce cri sans nom avait traversé l’espace comme une balle ; tout était redevenu calme et silencieux. Par un mouvement instinctif, Geneviève s’était rapprochée de Belle-Rose.

– Jacques, lui dit-elle en prenant une de ses mains entre les siennes, dites-moi du moins que vous apprendrez à mon fils à m’aimer ? Quand il me voit il me sourit ; il a des caresses divines pour mes lèvres ; il étend sur mes fautes son innocence comme un manteau ; ses petites mains se suspendent à mon cou, et, quand il m’appelle, il me semble que la bénédiction de Dieu descend sur moi.

Geneviève pleurait, le visage appuyé sur la main de Belle-Rose.

– Il vous aimera ! il vous aimera ! Comment le fils de Gaston pourrait-il ne pas vous aimer ! s’écria Belle-Rose éperdu.

Un autre cri plus horrible encore retentit. C’était un cri funèbre qui semblait ne pas appartenir à la terre : il déchirait l’oreille et glaçait le cœur ; l’espace profond l’engloutit, et l’on n’entendit plus rien que le doux