Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/278

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– C’est apparemment alors que je suis, dans votre pensée, le mandataire d’une personne qui a mis en moi sa confiance. Parler serait une lâcheté que vous ne sauriez me proposer sérieusement ; vous voyez donc bien, monseigneur, que je dois me taire.

– C’est votre dernier mot ?

– Vous en êtes tout autant convaincu que moi, monseigneur.

– Je pourrais le croire, monsieur, si nous n’avions ici des instruments merveilleux pour arracher des paroles aux plus muets.

– Essayez, dit Belle-Rose, et il se croisa les bras sur la poitrine.

M. de Louvois le regarda un instant sans parler, puis se leva. Sur un signe de sa main, l’officier qui avait amené Belle-Rose le reconduisit dans sa prison. Quand ils furent seuls, le gouverneur de la Bastille s’approcha de M. de Louvois.

– Tenez, monseigneur, lui dit-il, je me connais en physionomie. Voilà un jeune homme que nous ne réussirons pas à faire parler. Il mourra : voilà tout.

– Nous verrons ! murmura M. de Louvois.

À peine Belle-Rose eut-il été réintégré dans sa prison, qu’il courut vers la fenêtre. Au loin, dans les ténèbres de la nuit, les trois étoiles rayonnaient toujours d’un pur et doux éclat. Belle-Rose s’endormit calme et souriant ; une mystérieuse espérance était dans son cœur. La journée du lendemain se passa sans qu’un nouvel incident vînt déranger le prisonnier de ses méditations. Vers le soir, à l’heure du dîner, un guichetier glissa dans sa main un bout de papier et s’éloigna, le doigt sur la bouche. Belle-Rose ouvrit le papier et n’y trouva que ces mots : Une amie veille sur vous. Au premier coup d’œil il reconnut l’écriture de Geneviève.

– Pauvre femme ! dit-il entre deux soupirs, elle se souvient, et c’est à Suzanne que je pense !

Quand la nuit fut tout à fait venue, Belle-Rose s’approcha