Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/287

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savez donc pas ce que c’est qu’une évasion d’une prison d’État ? Il faut la méditer dans l’ombre, tromper mille regards, épier l’heure propice, ne rien donner au hasard. C’est l’œuvre de la patience… Elle demande des années, et quand on réussit, il arrive parfois que le prisonnier a des cheveux blancs. Voulez-vous attendre, madame ?

– Oh ! ce serait mourir, s’écria Suzanne.

– Mon Dieu ! que faire ? reprit Geneviève.

– Le tirer de la Bastille avec un ordre du ministre, continua le sergent.

– Il ne le voudra pas ! Il ne l’a pas voulu ! dirent à la fois les deux femmes.

– Oh ! je m’entends ! Il y a d’autres prisons en France, de petites Bastilles par-ci par-là dans les provinces. Obtenez seulement qu’on le transporte dans une d’elles, et je me charge du reste.

– Que veux-tu dire ? demanda Suzanne.

– J’ai mon projet. Depuis vingt-quatre heures que je suis à Paris, j’ai déjà couru de tous côtés. Quand on a été soldat pendant dix ou douze années, on a des camarades partout. Le caporal Grippard, qui a fait un petit héritage, est ici avec quatre ou cinq vieux sapeurs prêts à tout. L’Irlandais est comme un enragé. Celui-là nous donnera un bon coup de main… Comprenez-vous ?

– Mais, dit Geneviève, ce sera une bataille.

– Dame ! fit le sergent, si les balles volent, on tâchera de les éviter.

– Eh bien ! j’aurai cet ordre ! s’écria Suzanne. Va tout préparer.

– J’y cours ; mais il me faut quelque chose encore.

– Quoi ?

– De l’or.

– J’ai mes diamants ! s’écria la duchesse.

– Bon, avec ces petites pierres blanches on fait des pièces jaunes.

Mme d’Albergotti courait à la porte, quand la Déroute l’arrêta.