Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/292

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quart d’heure, les cavaliers aperçurent la flèche aiguë d’une chapelle qui se dessinait en noir sur le ciel pur.

– Un coup d’éperon, et nous y sommes, dit le sergent.

À la porte de cette chapelle, deux femmes attendaient, immobiles et pleines d’anxiété.

– Voici l’heure, et je n’entends rien encore ! disait l’une.

– Mon Dieu ! reprit l’autre, sauvez-le, et faites-moi mourir !

Chacune d’elles entendait les pulsations de son cœur ; leurs yeux ne quittaient le pâle sentier que pour se lever vers le ciel.

– On l’aura peut-être tué, dit Geneviève si bas que sa voix passa comme un soupir entre ses lèvres blanches.

– Il me semble que s’il était mort, je serais morte, répondit Suzanne.

Au fond de la chapelle, un prêtre était en prières auprès de l’autel. Tout à coup on entendit rouler le galop retentissant de quelques chevaux lancés à toute bride. Les deux femmes, le corps en avant, cherchaient à voir dans la nuit ; bientôt elles aperçurent trois cavaliers, et reconnurent celui qui galopait à leur tête.

– Sauvé ! dirent-elles les yeux baignés de larmes, et, par un mouvement spontané, elles se jetèrent dans les bras l’une de l’autre.

Cependant les trois cavaliers arrivaient ; Geneviève s’arracha des bras de Suzanne plus pâle qu’une morte.

– Adieu ! dit-elle ; soyez bénie, madame, vous qui l’avez sauvé !

Suzanne voulut retenir Geneviève ; tant de résignation mêlée à une si profonde douleur la touchait.

– Laissez, madame, reprit Geneviève d’une voix éteinte ; il vous aime, soyez heureuse.

Elle entra dans la chapelle et fit quelques pas ; mais, brisée par la souffrance, elle tomba sur ses genoux derrière un pilier. Belle-Rose sauta de cheval et se trouva dans les bras de Suzanne.