Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et vous venez me dire de ces choses-là en face ? Mais, en vérité, c’est de la folie, madame !

M. de Louvois s’était levé et se promenait à grands pas dans le cabinet ; la violence de son action avait ramené le sang à ses joues ; l’éclair de ses yeux était rouge. Suzanne le regardait immobile, silencieuse et résolue.

– Et croyez-vous, reprit le ministre, que si Mme de Châteaufort n’avait pas mis une barrière infranchissable entre elle et moi, je ne l’eusse point punie comme vous, pour si duchesse qu’elle soit ? Vous vous êtes livrée ; malheur à vous !

– Vous me menacez, monseigneur, et je suis une femme ! dit Suzanne tranquillement.

M. de Louvois se mordit les lèvres jusqu’au sang. Il s’assit devant sa table et froissa les papiers qui se trouvaient sous sa main.

– Brisons là, madame, je ne menace pas, j’agis. Vous avez sauvé Belle-Rose ; mais Belle-Rose n’est point encore hors du royaume.

– Il y sera demain.

– C’est ce que Bouletord saura bien me dire.

À ce nom, Mme d’Albergotti pâlit légèrement.

– Oh ! reprit le ministre, l’exempt que vos amis ont si bien accommodé m’a tout dit. Ils sont partis, mais Bouletord est sur leurs traces. Qu’un cheval tombe, et ils sont perdus.

Suzanne frissonna.

– Eh ! madame, continua le ministre impitoyable, faites des vœux pour que leurs chevaux se brisent les reins dans quelque trou si vous tenez à votre liberté !

– Monseigneur, je ne tiens qu’à lui, dit-elle.

M. de Louvois agita une sonnette, un huissier entra.

– Allez, madame, attendre mes ordres, dit-il ; et vous, ajouta-t-il en s’adressant à l’huissier, priez M. de Charny de passer dans mon cabinet.

Mme d’Albergotti se leva, salua M. de Louvois et