Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/34

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– Très bien.

– Tu vas donc nous servir de guide jusque-là. Bien que tes compatriotes décampent comme des volées de canards à notre approche, je crois que nous nous sommes avancés trop loin. J’ai assez de butin comme ça… Cependant, s’il y a quelques bons châteaux aux environs, tu nous y conduiras. En route !

Jacques ne bougea pas.

– M’as-tu entendu ? reprit le chef en le touchant du bout de sa houssine.

– Parfaitement.

– Alors, marche.

– Non pas, je reste.

– Tu restes ! s’écria le chef ; et poussant son cheval, il vint heurter Jacques immobile.

Le tube glacé d’un pistolet s’appuya sur le front de Jacques.

– Ah çà ! sais-tu bien que je n’aurais qu’à remuer le doigt pour te faire sauter la cervelle, manant ! reprit le Chef.

– Remuez-le donc, car, pour Dieu, je ne vous servirai pas de guide dans mon pays et contre les miens.

Le pistolet se balança un instant à la hauteur du visage de Jacques, puis s’abaissa lentement.

– Ainsi, tu ne veux pas nous conduire aux frontières, ajouta le chef en glissant le pistolet sous l’arçon.

– Je ne le peux pas.

– C’est donc moi qui t’y conduirai.

Le chef dit quelques mots dans une langue étrangère, et avant que Jacques pût se douter du danger qui le menaçait, trois ou quatre soldats l’avaient saisi et garrotté.

– Il y a bien dans la compagnie quelque vieux licol propre à te servir de cravate, continua le chef en s’adressant à Jacques. Quand nous toucherons aux limites de l’Artois, je prétends t’y laisser pendu à la plus belle branche du plus beau chêne, afin que tu serves d’exemple aux habitants de l’endroit. Si les corbeaux te le permettent,