Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/345

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– J’ai peur, dit-elle en tendant vers Suzanne ses mains suppliantes.

– Oh ! mon Dieu ! qu’avez-vous ? s’écria Suzanne en prenant les deux mains de Gabrielle, qu’elle chercha à réchauffer contre son sein.

– J’ai peur, répéta la jeune fille, dont les yeux brillaient d’un éclat fiévreux.

Suzanne crut d’abord qu’une sorte de délire avait chassé Mlle de Mesle de son appartement ; elle la couvrit de quelques vêtements, alluma une bougie et la fit asseoir à son côté. Gabrielle la suivait d’un regard brillant et inquiet comme celui des oiseaux ; mais quand la lumière se fut répandue dans la chambre, et qu’elle eut entendu à plusieurs reprises la voix de son amie, elle se jeta tout à coup dans ses bras et fondit en larmes.

– Je vais mourir ! je vais mourir ! mon Dieu ! sauvez-moi ! dit-elle.

Ces paroles, et plus encore l’accent qu’elles avaient dans la bouche de la pauvre fille, remplirent de pitié le cœur de Suzanne. Elle appuya la tête de Gabrielle sur son épaule et la couvrit de baisers en l’appelant des noms les plus doux, comme on fait d’un enfant.

– Vous êtes une petite folle, calmez-vous, dit-elle ; n’êtes-vous pas près de moi ? que craignez-vous ?

– Oh ! reprit Gabrielle, je sens bien que je meurs un peu chaque jour ; je vous dis que je vais mourir… Cette nuit, en rêve, j’ai vu ma sœur qui m’appelait… elle est morte, elle aussi… elle était toute blanche et pleurait en me regardant… Je me suis réveillée trempée d’une sueur froide… je sentais son souffle humide et glacial… j’ai fermé les yeux et suis venue ici en courant plus morte que vive… Elle était dans un couvent, ma pauvre sœur, comme moi, madame ; elle n’en est plus sortie…

Gabrielle colla son visage baigné de larmes sur la poitrine de Suzanne et l’étreignit dans ses bras en sanglotant.