Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/387

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– Ici ! répéta Suzanne, qui devint toute pâle de bonheur.

– Nous y sommes tous : mon frère, Cornélius, la Déroute et notre pauvre Grippard aussi ; c’est une conspiration.

– Raconte-moi vite tout cela. Qu’a dit Jacques en apprenant ma captivité ? Comment a-t-il quitté l’Angleterre ? Lequel de vous a découvert ma retraite ? Que comptez-vous faire ? M. de Louvois ne sait-il rien de votre arrivée ? Voyons, parle donc !

– Mais, ma pauvre sœur, tu ne m’en laisses pas le temps. Tu interroges toujours.

– C’est que tu ne réponds jamais.

– Eh bien ! je répondrai, mais ailleurs.

– Ce banc ne te semble-t-il pas fort bon pour cela ? Cette charmille nous protège et nous cache.

– Si elle nous cache, elle peut en cacher d’autres.

Suzanne tressaillit et jeta un regard furtif autour d’elle.

– Que veux-tu dire ? reprit-elle.

– Je dis qu’il faut se défier de tout au couvent ; les arbres sont creux et les murs transparents ; il y a des oreilles et des yeux partout. Je ne vois pas un sureau ou quelque chèvrefeuille que je ne me rappelle l’histoire du roi Midas et de ses roseaux qui parlaient ; allons ailleurs.

Claudine entraîna Suzanne et s’arrêta tout au fond du parc, sous un berceau d’où l’on pouvait s’échapper en cas de surprise ; il y avait un petit gazon tout autour, et l’on voyait de tous côtés à la fois.

– Maintenant l’ennemi peut venir, dit Claudine en s’asseyant ; à la moindre alerte, tu prends par là, derrière ces grands ormes, et moi par ici, le long de ce mur.

Suzanne se fit répéter vingt fois les mêmes détails ; mais Claudine l’interrompant enfin :

– Tu me fais perdre tous mes instants, et ils sont