Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/386

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longtemps ainsi, savourant la joie de se voir, mais ne pouvant encore se parler. Une fois ou deux leurs mains s’effleurèrent, une fois leurs doigts purent s’entrelacer l’espace d’une seconde. Ce fut tout, ce jour-là. C’était bien peu encore, mais ce peu suffit pour rendre l’espoir à Suzanne. Le courage demeurait tout entier, mais l’espérance s’était envolée ; elle revint et Suzanne releva son front.

Le lendemain, Claudine, à qui sa condition de pensionnaire, et surtout sa dot annoncée et promise, donnaient certains privilèges, se rendit dans les jardins. La religieuse qui était spécialement chargée de son éducation devait être ce jour-là en conférence avec la supérieure ; Claudine était donc seule. Aussitôt qu’elle vit Suzanne, elle s’enfonça dans les jardins, prenant de préférence les allées les plus sombres, celles où les charmilles étaient le plus épaisses. Au bout de quelques minutes, elle se trouva dans un endroit écarté et s’y arrêta. Des pas légers faisaient craquer le sable derrière elle, ils s’approchèrent : Claudine penchait la tête, Suzanne accourut les bras tendus en avant, et les deux amies s’embrassèrent avec des larmes dans les yeux et mille tendresses sur les lèvres.


Après les premières effusions d’une affection mutuelle que l’absence avait augmentée, Suzanne prit les deux mains de Claudine.

– Voyons, Claudine, ne me cache rien ; Belle-Rose ?…

– Serais-je si joyeuse s’il n’était ici ? s’écria la jeune fille.