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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/435

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d’éperons les firent se relever, et les animaux bondirent en hennissant de douleur. Un autre hennissement éclata sur la route, plus sonore et plus rapproché. La Déroute arma ses pistolets.

– En dix minutes, ils ont gagné une demi-lieue, dit-il ; dans une demi-heure, s’ils vont de ce train-là, ils seront sur nous.

Les chevaux de Belle-Rose et de Cornélius, soutenus par la bride et l’éperon, volaient sur la route, mais leurs flancs battaient tout blancs d’écume, on les sentait fléchir sous leur double poids. Suzanne et Claudine n’osaient parler, parfois seulement elles jetaient, par-dessus l’épaule des cavaliers, un long regard sur la route toute blanche qui se perdait dans la nuit transparente. La Déroute et le fidèle Grippard galopaient côte à côte, tous deux muets et tous deux résolus. La petite troupe tourna autour de Pontoise : l’écume des chevaux haletants devenait rouge autour des naseaux. Quand on fut près d’Ennery, la Déroute entendit passer avec la brise un hennissement si vigoureux qu’il tourna la tête. Un point noir roulait sur le chemin, grossissant à vue d’œil.


Ce point noir, c’était M. de Pomereux qui s’avançait à toute bride. À peine avait-il entendu le hennissement de la jument montée par Belle-Rose, qu’il avait piqué des deux ; l’étalon, excité par les émanations qu’exhalaient les flancs humides de la cavale, partit comme une flèche, le nez au vent, les oreilles droites, aspirant l’air à pleins poumons. En trois minutes, le comte eut dépassé