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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/443

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gens-là n’ont pas ma vie, mais ils ont ma parole, et nous autres gentilshommes, nous n’en avons qu’une.

M. de Charny se mordit les lèvres jusqu’au sang.

– Ton cheval, dit-il, en frappant sur la cuisse d’un archer.

L’archer descendit, et M. de Charny sauta en selle.

– En avant ! vous autres ! s’écria-t-il en lâchant les rênes.

Toute la troupe le suivit.

M. de Pomereux jeta les yeux du côté de l’abbaye. Le temps qu’on avait perdu ne l’avait pas été par les fugitifs ; profitant du désordre qu’avait occasionné la mort du maréchal des logis et la chute de M. de Charny, ils avaient poussé du côté de l’abbaye, dont ils n’étaient plus séparés que par une centaine de pas. Les deux femmes avaient été mises sur le cheval de Bouletord ; les premières elles touchèrent aux portes de l’abbaye, et l’on entendit bientôt les tintements de la cloche qu’elles agitaient. En ce moment les archers passaient devant le cadavre de Bouletord. Il était couché sur le dos, les yeux ouverts et la face livide ; la balle de la Déroute avait troué le front entre les deux sourcils ; la main de Bouletord serrait encore la poignée de son épée, et son visage gardait l’expression menaçante qu’il avait au moment où la mort l’avait surpris. Les chevaux, effarés, tournèrent autour du corps sanglant ; quelques-uns, trop rapidement lancés, sautèrent par-dessus.

– Entendez-vous ? dit à M. de Charny M. de Pomereux qui s’était amusé à le suivre, voilà le son d’une cloche qui aurait fait bondir notre cher Bouletord, s’il n’était pas décidément mort.

M. de Charny enfonça les éperons dans le ventre de son cheval sans répondre. Mais déjà la porte de l’abbaye s’était ouverte, Suzanne et Claudine en franchirent le seuil.

– Madame, dirent-elles à la religieuse qui les reçut,