Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/517

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ses vêtements, et il fut caché, garrotté et bâillonné, derrière quelques bottes de paille. Quant à celui qui dormait, on fut quelque temps à le découvrir. Un certain petit bruit qui se faisait dans un coin sombre attira la Déroute de ce côté-là ; ce bruit venait du dormeur, qui ronflait les poings fermés. Celui-là fut saisi, lié et bâillonné avant même d’être tout à fait réveillé.

– Dépêchons, dit la Déroute, voici la nuit.

L’ombre commençait à s’épaissir dans les campagnes ; on ne distinguait plus les objets qu’à travers une lueur indécise ; de grands nuages étendaient leurs voiles dans le ciel. La pluie tombait plus rapide et plus drue. En un tour de main, Belle-Rose et Cornélius eurent changé d’habits ; dans un coin de la remise il y avait des manteaux, ils les prirent ; les chevaux furent scellés et bridés.

– Un mot, dit Belle-Rose à ses amis, en les groupant autour de lui ; si nous sommes reconnus où que ce soit, partons tous ensemble à fond de train ; le reste regarde nos pistolets.

M. de Charny descendit. Comme il allait monter dans le carrosse, Suzanne parut sur le seuil d’une chapelle où elle avait coutume de faire ses dévotions du soir. Un éclair, suivi d’un violent coup de tonnerre, illumina toute cette scène ; Suzanne devina Belle-Rose sous son large feutre rabattu ; elle joignit ses mains en pâlissant, et le capitaine passa près d’elle le doigt sur les lèvres. Elle eut le courage de rester immobile, dans l’attitude d’une femme qui finit de prier.

– Allumez les torches et partez, dit M. de Charny.

Les torches jetèrent bientôt une rouge clarté ; l’attelage, effrayé par les bruits de l’orage, se cabra d’abord, puis s’élança. Suzanne tomba sur ses genoux, et le cortège s’effaça dans la nuit profonde. Au bout de cinq minutes, ce ne fut plus qu’une étincelle fuyant dans les ténèbres. Suzanne se leva.

– Mon Dieu ! dit-elle, veillez sur eux.