Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/539

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surpris au moment du triomphe. Il était tombé, comme un chêne frappé par la foudre, d’un seul coup. Ceux d’entre les gentilshommes qui étaient blessés se relevaient pour dire un dernier adieu à celui que l’avenir entourait de tant d’espérances et qui n’était plus qu’un cadavre ; les vivants lui faisaient un cortège morne et désolé. Belle-Rose se souvint tout d’un coup du cri de la Déroute, et ne voyant pas M. de Pomereux parmi les officiers du prince, il eut peur. Il s’élança du côté où il avait vu le comte disparaître dans un nuage de fumée et de feu, et trouva le sergent qui soutenait M. de Pomereux dans ses bras. Un chirurgien, que Cornélius était allé chercher, sondait ses blessures.

– Hé ! venez donc, lui dit le comte d’une voix défaillante, je craignais de mourir sans vous avoir serré la main.

Quand Belle-Rose fut auprès de lui, M. de Pomereux repoussa la main du chirurgien.

– Je suis percé d’outre en outre, lui dit-il ; vous savez bien qu’il n’y a plus d’espoir, ainsi, monsieur, ne me tourmentez pas davantage.

Le chirurgien essuya ses instruments et partit sans mot dire.

– Voilà qui est répondre, dit le comte avec un sourire.

Il embrassa Belle-Rose et Cornélius, tendit la main à la Déroute et s’arrangea pour mourir. Sa tête reposait sur un tambour. Le soleil s’inclinait vers l’horizon ; des nuages roses nageaient dans le ciel lumineux que balayait un vent tiède. Le regard de M. de Pomereux semblait y chercher une image fugitive ; une douceur calme et sereine détendait ses traits naguère endoloris : on y lisait le reflet d’une pensée heureuse. Le sourire passa sur sa bouche décolorée.

– Il me semble que la mort est un réveil, dit-il ; elle réunit ceux que la vie a séparés.