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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/550

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leur influence. Quand il fut dans la cour, il n’y résista plus ; il poussa Grippard d’un coup de poing. Grippard, réveillé en sursaut, bondit sur ses pieds.

– Lorsque Belle-Rose descendra, dit le sergent, tu lui diras que je suis parti pour Sainte-Claire d’Ennery.

– Tu vas à l’abbaye ! pourquoi faire ? répondit Grippard en se frottant les yeux.

– Je n’en sais rien, c’est mon idée… Maintenant, ne dors plus.

– C’est bon, on est debout, reprit le caporal, qui secouait ses jambes ; le service avant le sommeil.

La Déroute se procura un cheval de main et partit. M. de Charny avait, comme la Déroute le prévoyait, poussé du côté de Sainte-Claire d’Ennery. À Saint-Denis, il relaya et donna un louis d’or au postillon pour qu’il mît les éperons dans le ventre des chevaux. On laissa Pontoise en arrière, mais à une demi-lieue de l’abbaye, M. de Charny mit pied à terre. Il y avait sur le côté de la route une chaumière où l’on vendait du vin et de l’eau-de-vie, et devant la chaumière une espèce de paysan qui faisait sauter des gros sous dans sa main. M. de Charny fut à lui.

– Veux-tu gagner deux écus de six livres ? lui dit-il.

– Aussi bien trois, si vous le permettez, répondit le gars, dont les yeux brillèrent.

– Viens donc et fais ce que je te dirai.

M. de Charny conduisit ce manant au carrosse, en tira une corbeille proprement enveloppée d’un linge fin et prit dans sa poche la lettre de Belle-Rose.

– Tu sais où est l’abbaye de Sainte-Claire d’Ennery ? reprit M. de Charny, l’œil sur le paysan.

– Très bien, puisque j’y porte souvent des légumes et du lait.

– Ainsi, l’on t’y connaît ?

– Parfaitement.

– Et l’on ne sera pas surpris de t’y voir ?