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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/552

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devant la maison où M. de Charny s’était arrêté, quand la courroie à laquelle l’étrier était attaché se rompit. La Déroute retint la bride de son cheval et mit pied à terre. Le gars était toujours sur sa porte, mais cette fois il faisait sauter des écus au lieu de gros sous.

– Si c’est une commission que vous avez pour l’abbaye de Sainte-Claire, dit-il au sergent, vous pouvez me la donner pendant que vous rafistolerez votre étrier ; j’en viens, j’y retournerai.

– Tu as été à l’abbaye ? s’écria la Déroute, qui, dans la situation d’esprit où il était, attachait du prix aux moindres choses.

– Et ça m’a rapporté vingt-quatre livres, reprit le drôle en faisant sauter les pièces blanches.

La Déroute prit le paysan au collet.

– Qu’es-tu donc allé faire à l’abbaye ? s’écria-t-il.

– Ma foi, fit le maraud épouvanté, j’y ai porté une corbeille et une lettre de la part d’un gentilhomme qui était venu en carrosse.

– Un gentilhomme un peu petit, gros, pâle, vêtu de noir ?

– Justement, et il est reparti aussitôt que la commission a été faite.

– Et qu’y avait-il dans cette corbeille ? Le sais-tu ?

– Ma foi, il m’a paru que c’était des fleurs et des fruits ; il en sortait une odeur dont j’étais tout réjoui.

– Des fleurs et des fruits, dis-tu ?

– Ça doit être quelque galanterie de ce monsieur à quelque nonne.

La Déroute lâcha le paysan, culbuta la selle, remonta sur la bête à cru et se précipita ventre à terre vers l’abbaye. Le cœur lui sautait dans la poitrine. La tourière s’épouvanta en le voyant pâle comme un mort et le laissa passer sans dire un mot. La corbeille et la lettre avaient été reçues par Mme de Châteaufort, qui s’était amusée à défaire le linge, tandis qu’on était allé prévenir Suzanne.