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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/553

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Elle trouva sous le voile blanc les plus belles fleurs et les plus beaux fruits de la saison, fleurs et fruits entrelacés et mêlés avec un goût charmant. Geneviève prit une orange et l’ouvrit. Elle avait reconnu l’écriture de Belle-Rose, et ne doutait pas que le présent ne vînt de lui. Suzanne était en ce moment à l’autre bout du jardin avec Claudine et les deux enfants ; il se passa près d’une heure avant qu’on pût la trouver sous le bosquet où elle s’était assise. Quand elle fut accourue, elle décacheta la lettre de Belle-Rose, toute tremblante et pâle d’émotion.

– Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-elle, il est victorieux et libre ! Il a vu le roi, et le roi l’a fait colonel !

Un ruisseau de larmes s’échappa des yeux de Suzanne, qui embrassa Geneviève et Claudine. Geneviève commençait à sentir une chaleur intolérable dans la poitrine ; mais la joie lui faisait oublier son mal. Suzanne lisait et relisait sa lettre bien-aimée. C’était la fin de leurs maux à tous. Elle murmurait les expressions une à une, et les redisait à sa fille, qui souriait et tressaillait comme un oiseau, entre les bras de sa mère. La corbeille de fleurs et de fruits était sur un meuble tout auprès. Un clair rayon de soleil tombait par la fenêtre ouverte sur leur masse odorante et les couvrait d’une poussière d’or. Suzanne les caressait du regard et de la main ; elle prit une touffe de roses épanouies et les flaira ; un fruit splendide suivit les roses, et déjà elle en portait la pulpe éclatante à ses lèvres, lorsque la porte s’ouvrit violemment. La Déroute, blême, effaré et tout poudreux, parut sur le seuil : d’un bond il fut à Suzanne, arracha le fruit de ses mains et le fit voler par la fenêtre.

– Mon Dieu ! qu’avez-vous ? s’écria Suzanne.

La Déroute, sans répondre, renversa la corbeille.

– N’y touchez pas ! s’écria-t-il enfin ; cette corbeille maudite vient de M. de Charny.

Ce nom terrible fit passer l’effroi dans l’âme de Suzanne. Geneviève pâlit horriblement et tomba sur