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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/58

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du nom de Bouletord, poussa Belle-Rose avec tant de furie, que celui-ci fut contraint de rompre deux fois.

– Oh ! oh ! s’écria son ennemi, il paraît que ce que tu as le mieux retenu de tes études, c’est l’art de battre en retraite.

Belle-Rose ne répondit pas et continua de parer. Il tentait, n’ayant plus de colère au fond du cœur, de désarmer Bouletord ; mais le canonnier avait trop d’adresse pour le lui permettre. En rompant une troisième fois, Belle-Rose trébucha contre une pierre ; Bouletord profita de l’accident pour lui porter une botte qui l’aurait percé d’outre en outre, si le sapeur, revenant vivement à la parade, n’avait écarté le coup ; l’épée glissa le long du corps et déchira la chemise, qui se rougit de quelques gouttes de sang. Le péril rendit un peu de son courroux à Belle-Rose ; il se mit à son tour à presser Bouletord, qui rompit, mais point assez vite pour éviter un coup de pointe dans les chairs du bras. Belle-Rose avança toujours ; un second coup blessa le canonnier à l’épaule ; il voulut riposter, mais une troisième fois l’épée du sapeur l’atteignit à la poitrine. Bouletord chancela et tomba sur ses genoux.

– J’ai mon compte, camarade, dit-il ; et il s’évanouit.

Belle-Rose, rentré au quartier, raconta ce qui venait de se passer à la Déroute.

– C’est fâcheux, lui dit le caporal, mais c’était inévitable.

Belle-Rose le regarda.

– Oh ! reprit le caporal, ceci est dans les mœurs du régiment ! On a voulu vous tâter. Bouletord est un tâteur : Quand une recrue arrive au corps, un soldat le provoque ; tout sert de prétexte en pareille circonstance ; il lui donne ou il en reçoit un coup d’épée. Si la recrue se bat bien, il n’a plus rien à craindre, qu’il soit vainqueur ou vaincu ; mais, s’il a peur, il est perdu. On vous a fait passer par le baptême de fer.

– Le duel est cependant défendu.