Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/59

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– C’est une excellente raison pour qu’on se batte davantage.

– Mais qu’en résulte-t-il ?

– Rien. Les soldats se battent et les officiers ferment les yeux.

– Ainsi, je n’ai rien à faire ?

– Vous n’avez qu’à garder le silence. Bouletord sera porté à l’hôpital et ne dira rien ; vos deux témoins seront muets comme des carpes : c’est la religion du soldat. Faites votre service comme si vous n’étiez pour rien dans l’affaire, et si M. de Nancrais apprend tout, soyez sûr qu’il fera semblant de tout ignorer.

– Cependant le chirurgien visitera les blessures de Bouletord ?

– Le chirurgien dira que Bouletord a la fièvre ; s’il guérit, on dira que la fièvre l’a quitté.

– Et s’il meurt ?

– Il sera mort de la fièvre.

Belle-Rose se prit à rire.

– Je ne ris point, continua le caporal ; j’ai déjà vu mourir comme ça une demi-douzaine de sapeurs, les uns de la fièvre maligne, les autres de la fièvre rouge. La fièvre rouge est un coup de sabre, la fièvre maligne est un coup d’épée ; c’est la plus dangereuse. La fièvre est la providence du soldat. Allez vous coucher.


Tout se passa comme la Déroute l’avait prédit. Bouletord entra à l’hôpital ; le chirurgien le visita, et déclara qu’il était malade d’une fièvre intermittente. M. de Nancrais feignit de croire ce qu’avait dit le chirurgien ;