Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais un jour qu’il rencontra Belle-Rose seul sur le rempart, il l’interpella brusquement :

– On m’a conté que tu avais failli attraper la fièvre ces jours-ci, prends-y garde : je n’aime pas qu’on la donne ni qu’on la reçoive. C’est bon pour une fois.

– C’est fini, répondit hardiment Belle-Rose ; l’accès est passé.

M. de Nancrais sourit. Bouletord guérit, et il n’en fut plus question. Quelques mois se passèrent, puis un an, puis deux, puis trois ; Belle-Rose écrivait fréquemment à Saint-Omer ; dans les réponses qu’il en recevait, il y avait toujours quelque souvenir de Suzanne, un mot, une fleur de la saison nouvelle, quelque chose qui venait du cœur et qui allait au cœur. Déjà le fils du fauconnier avait dépassé la Déroute ; M. de Nancrais, qui l’aimait à sa manière, n’attendait plus, disait-il, que l’occasion de lui faire casser la tête au service du roi pour demander l’épaulette en sa faveur. Belle-Rose appelait une bataille de ses vœux ; mais l’Espagnol se tenait sur la frontière, fort paisible dans ses quartiers. Après les généraux, le tour des ambassadeurs était venu. Au lieu de guerroyer, on négociait. Louis XIV s’était marié.

La paix ne faisait point les affaires de Belle-Rose ; aussi enrageait-il de tout son cœur. Lorsque M. de Nancrais, le matin, après la lecture du rapport, voyait Belle-Rose soucieux, il lui demandait si les nouvelles étaient à la guerre.

– Point, répondait le sergent ; il serait bien temps de donner des quenouilles aux soldats, au moins seraient-ils bons à quelque chose !

– Voilà un drôle qui, pour allumer plus vite le flambeau de l’hyménée, mettrait volontiers le feu aux quatre coins de l’Europe, répondait gaiement M. de Nancrais.

Mais aussitôt que le sergent devenait trop morose, le capitaine lui confiait le commandement de petits détachements qu’on envoyait pour le service des fortifications