Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/69

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serrèrent le cœur du sergent ; il précipita sa marche et atteignit haletant le château. Si tout était silence dans la campagne, tout était tumulte et confusion à Malzonvilliers. Toutes sortes de laquais allaient et venaient, et les paysans buvaient et chantaient. Belle-Rose se glissa au milieu de cette foule qui ne prenait point garde à lui ; mais, au moment où il allait s’élancer sur la terrasse, les portes du château s’ouvrirent à deux battants, et une procession de gens richement costumés parut sur le seuil. La foule se découvrit, les cloches rebondirent avec éclat, et Belle-Rose vit derrière le porche d’une chapelle voisine resplendir dans l’enceinte du chœur mille cierges allumés. Avant qu’il se fût remis de son trouble, la procession avait passé sous le porche tout voilé des vapeurs flottantes de l’encens. Belle-Rose la suivit et se perdit dans un coin de la chapelle. Quelque temps il demeura courbé comme un jeune arbre fouetté par le vent ; tout ce qui lui restait de force, il l’employait à prier Dieu. Quand il releva la tête, son premier regard tomba sur l’autel. Un homme à cheveux argentés, une femme ceinte de voiles diaphanes, étaient agenouillés sur des carreaux de velours. À peine eut-il vu cette femme, que les yeux de Belle-Rose ne purent plus s’en détacher. Des gouttes de sueur perlaient sur le front du soldat ; ses tempes semblaient prises dans un étau de fer, ses oreilles tintaient comme celles d’un homme qui se noie. Il aurait voulu crier qu’il ne l’aurait pas pu ; sa gorge était fermée. La cérémonie du mariage s’accomplit sans qu’il eût fait un mouvement. Il n’y avait de vie dans tout son corps que dans ses yeux, et ses yeux ne quittaient pas l’autel. Quand ils eurent reçu la bénédiction nuptiale, les deux époux se levèrent, et la jeune femme se retourna. C’était bien elle, Suzanne de Malzonvilliers, maintenant marquise d’Albergotti ! Belle-Rose ne tressaillit même pas. Qu’avait-il besoin de la voir pour la reconnaître ? Le cortège se dirigea bientôt vers le porche ; mais, cette fois, les mariés marchaient en tête. La procession