Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si triste et si désolée ? Ton nom n’est pas sur ses lèvres, mais il est dans son cœur, et il la ronge.

Tous deux se turent. Une joie amère emplissait l’âme de Belle-Rose ; Claudine se repentait presque d’avoir parlé. Quel bonheur cet amour ravivé pouvait-il entraîner après lui ? Tirant son mouchoir de sa poche, elle essuya ses yeux un peu mouillés, écarta les cheveux qui voilaient son front d’enfant et se prit à sourire.

– Frère, dit-elle, je suis venue pour t’embrasser et non point pour pleurer. C’est une vilaine coutume que de courir au-devant du chagrin, qui se donne de son côté assez de peine pour venir jusqu’à nous. Laissons là cette conversation qui me rougirait les yeux, ce que je ne suis pas en humeur de souffrir ; prends mon bras pour me ramener au logis, et causons de tes affaires en chemin.

Il y a loin de la rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice à la rue de l’Oseille, où était situé l’hôtel d’Albergotti ; tout en marchant le long de la rue du Bac et des quais, nous ne répondrions pas que Belle-Rose n’eût prononcé deux ou trois fois le nom de Suzanne ; mais Claudine détournait la conversation de ce terrain dangereux et la ramenait à des choses plus conformes à son humeur.

– Quand te reverrai-je ? demanda Belle-Rose à sa sœur en la quittant devant l’hôtel.

– Après-demain, si tu veux. Je disposerai de ma journée tout entière. À onze heures, je serai à la porte Saint-Honoré.

– Bien, j’y serai à dix.

Belle-Rose avait, grâce à sa sœur, oublié le billet glissé mystérieusement dans sa main. Son premier soin, aussitôt après être rentré chez le digne M. Mériset, fut d’en prendre connaissance. Il n’y trouva que ces quelques mots :

« Samedi prochain, Belle-Rose rencontrera, une heure après le coucher du soleil, à la porte Gaillon, une personne qui lui dira les paroles convenues ; qu’il suive cette personne, et il arrivera où M. d’Assonville l’envoie. »