Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/156

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lui dit-elle ; nous sommes vos prisonnières… donc point de comédie !

— Est-ce encore ici le couvent de Saint-Rupert ? poursuivit Diane.

— Ah ! c’est donc ma destinée de ne pas être aimée de ceux que j’aime ! répondit Mme d’Igomer, dont les yeux se remplirent de larmes.

Mme d’Igomer avait le don des larmes et en usait dans toutes les occasions favorables. Cela seyait bien à son visage, auquel les pleurs prêtaient une séduction nouvelle, et lui donnaient, en outre, un semblant de sensibilité dont elle savait tirer profit.

Ce n’était pas sans dessein et seulement pour le plaisir de jouer jusqu’au bout son rôle d’hypocrisie qu’elle parlait aux deux cousines ce langage doucereux. Son but allait plus loin ; elle voulait faire parade aux yeux du duc de Friedland de son affection tendre et patiente pour les prisonnières, et se poser en victime de noires calomnies.

Elle espérait ainsi atteindre un double résultat : inspirer à son protecteur une horreur inaltérable pour les créatures qui repoussaient les témoignages les plus éclatants d’une aimable affection, et se parer d’un voile de malheur et de vertu.

Aussitôt que Mlle de Souvigny et Mlle de Pardaillan furent installées dans un pavillon où, sans que rien y parût, elles étaient soumises à la plus active surveillance, Mme d’Igomer, tout en larmes, se laissa surprendre deux ou trois fois par Wallenstein. Aux questions pressantes du feld-maréchal, pour qui ces larmes avaient l’éclat et la valeur des perles, Thécla opposa d’abord une plaintive résistance ; puis, comme cédant tout à coup au poids de sa douleur :

— Ah ! s’écria-t-elle, je ne sais pas de plus intolérable supplice