Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/347

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des ronces, il se lança au plus épais des escadrons impériaux.

Mais partout ces escadrons, divisés et rompus par les charges réitérées des Suédois, s’ouvraient et flottaient indécis. Où courait le capitaine Jacobus, Armand-Louis courait aussi. On les voyait comme deux flèches passer au milieu des bataillons dispersés, s’atteindre et s’éviter tour à tour. Trois fois l’épée d’Armand-Louis avait labouré la croupe du cheval de Jacobus, et trois fois un hasard les avait séparés. Ils traversèrent ainsi l’armée, et la poursuite ne s’arrêta pas.

Auprès d’un ruisseau bordé de saules, le capitaine Jacobus aperçut huit ou dix Croates débandés.

— Un général suédois est là, dit-il ; mille ducats à ceux qui le tueront !

Les Croates s’apprêtaient à fondre sur M. de la Guerche, mais on vit alors M. de Saint-Paer et M. de Collonges, flanqués de quatre ou cinq dragons, qui accouraient de toute la vitesse de leurs chevaux. Les Croates tournèrent bride et franchirent le ruisseau. Malheureusement, si rapide qu’eût été leur intervention, elle avait permis au capitaine Jacobus de passer sur la rive opposée. Un homme fluet et pâle sortit du milieu des saules, tenant par le mors un cheval maigre dont il tendit la bride au fugitif. Le capitaine sauta en selle et, laissant là sa monture épuisée, disparut dans la plaine, tandis que maître Innocent se glissait parmi les buissons épais qui bordaient la rive du ruisseau où sa fuite silencieuse ne laissait pas plus de traces que le passage d’un renard.

Armand-Louis poussa un cri de fureur et voulut s’élancer à la poursuite du capitaine Jacobus. Magnus l’arrêta froidement, et du bout de Baliverne montrant le cavalier :

— Son cheval a des ailes, dit-il, ne le poursuivez pas… J’ai vu hier le gîte d’où maître Innocent est sorti ; le capitaine