Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à pourfendre les gens, ou bien avez-vous cette pensée que votre constance n’est pas d’un caractère à supporter quelques semaines d’absence ? Parlez, monsieur, parlez, et s’il faut que je désespère, laissez-moi le temps de m’habituer aux larmes ! À vrai dire, je lui faisais l’honneur de la croire d’un tempérament plus robuste. Voulez-vous me laisser, en partant, cette pensée que vous êtes semblable à la feuille du saule, que le moindre zéphyr fait trembler, ou bien craignez-vous de perdre votre mémoire, chemin faisant, comme un enfant perd sa toupie ? Me prenez-vous pour un feu follet que le matin fait disparaître, et ne vous sentez-vous plus maintenant la force de crier : Chaufontaine à la rescousse !

Renaud jurait que dix millions d’années passées loin de Mlle de Pardaillan n’ébranleraient en rien sa constance, et qu’il était toujours le serviteur le plus croyant de sainte Estocade. Armand-Louis, de son côté, remerciait Adrienne à genoux de lui avoir rendu le courage et l’espoir, et ce fut au milieu de ces alternatives d’abattement et de résignation que l’on attendit le moment des adieux.

L’armée du comte de Tilly, repue d’orgies et gorgée de butin, allait quitter ce monceau de ruines qui fut Magdebourg. Elle devait commencer dès le lendemain sa campagne contre l’armée de Gustave-Adolphe.

M. de Pappenheim leur en donna lui-même la nouvelle. L’heure était donc proche où il fallait se séparer. M. de la Guerche et M. de Chaufontaine le savaient : ils s’y étaient préparés, et aux premiers mots du grand maréchal, ils crurent que leur cœur allait cesser de battre.

— Vous dire adieu !… Vous quitter !… Cela se peut-il ! s’écria Armand-Louis.

— Ah ! Diane !… dit le pauvre Renaud, et il ne put continuer.