Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/35

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À cause de son isolement, la pauvre Bella devait expier plus durement que tout autre cette première passion.

Pendant deux jours, elle pensa à lui au lieu de dormir ; la nuit, elle regardait de tous côtés pour voir s’il ne reparaîtrait pas dans la maison des esprits ; elle n’écoutait pas les conseils de Braka qui la réprimandait de se laisser aller à de si folles pensées, qui lui blanchiraient les cheveux avant l’âge. Rompant enfin le silence qu’elle avait gardé jusque-là, elle demanda à la vieille s’il n’y avait pas un moyen de se rendre invisible, pour pouvoir aller sans crainte dans la ville. La vieille se mit à rire, et lui répondit :

— Je ne connais pas d’autre moyen que d’avoir beaucoup d’argent, avec cela on peut aller où on veut, c’est la vraie racine force-porte, au moyen de laquelle on fait tomber toutes les serrures. Ton père avait peut-être quelqu’autre moyen, mais s’il ne se trouve pas dans ses livres, il sera perdu, car il n’en a montré aucun.

Ces mots frappèrent Bella ; elle se tut, et dès que la vieille fut sortie, elle alla chercher les livres que, depuis la visite du prince, elle avait laissés dans un coin. En même temps, elle s’aperçut que la vieille avait emporté toute sa provision de racines et d’herbes ;