Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/43

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Bella était arrivée sur la hauteur, elle voyait la riche cité toute brillante de lumières. Une maison resplendissait plus que les autres ; elle pensa que ce devait être la demeure du prince ; la vieille la lui avait décrite ainsi, et elle savait que c’était aujourd’hui l’anniversaire de sa naissance. Elle aurait tout oublié à cet aspect, même les pendus desséchés qui se balançaient au-dessus de sa tête, en se heurtant l’épaule comme pour se demander quelque chose, si le chien ne s’était pas mis de lui-même à gratter au pied de la potence. Elle chercha ce qu’il avait découvert et elle se sentit dans les mains une figure humaine ; une petite figure humaine qui avait encore les deux jambes enracinées dans la terre ; c’était elle, c’était la bienheureuse mandragore, l’enfant de la potence ; elle l’avait trouvée sans peine ; elle attacha une extrémité de la tresse à la racine ; elle enroula l’autre bout au cou du chien noir, et, pleine d’anxiété, elle se mit à courir malgré les cris de la racine. Mais elle avait oublié de se boucher les oreilles ; elle courut aussi vite qu’elle put, et le chien la suivant arracha la racine de terre. Aussitôt un effroyable coup de tonnerre les renversa tous deux ; par bonheur elle avait couru très vite, et se trouvait déjà éloignée d’environ cinquante pas.